Paprika, une revue du film de Satoshi Kon

Pour un des premiers articles sur Mangasland depuis plusieurs mois (un an environ, j’en ai peur), j’ai choisi de vous parler d’un des rares films d’animation japonais sortie cette année dans nos salles obscures françaises, et, au passage, le dernier film un peu barré d’un excellent réalisateur, l’un des maîtres actuel du genre. Et le film en question, vous l’aurez compris si vous avez correctement lu le titre de l’article, c’est Paprika, dernier né des studios Mad House en général et de Satoshi Kon en particulier. Ce nom ne vous dira peut-être rien, mais sachez tout de même qu’il s’agit là d’un des grands noms actuels dans ce domaine, réalisateur entre autres de Perfect BlueMillenial Actress et Tokyo Godfathers, trois très bons films (même si je triche un peu, je n’en ai vu que deux sur les quatre ! :P). Mais peu importe, il ne sera ici question que de Paprika, pour un film qui s’avère au final terriblement… épicé ! (Navrant jeu de mot, je le reconnais…)

Paprika, c’est justement le genre de film que l’on ne peut pas vraiment résumer. C’est pourquoi ma tâche ne va pas être facile mais peu importe, c’est bien moi qui ai choisi de vous en parler, n’est-ce pas ? Je vais donc essayer d’essayer, histoire de vous donner une idée, même vague, de l’intrigue principale de Paprika

Dans un monde qui pourrait tout à fait être le nôtre, une invention scientifique vient révolutionner le rapport que l’on peut entretenir avec l’inconscient. Cette invention, ce « gadget » si l’on peut dire, la « DC Mini » pour utiliser son nom exact, est une petite machine qui ressemble fort à un serre-tête high-tech que l’on porte dans son sommeil et qui ouvre la porte des rêves… On peut ainsi « visiter » les rêves des autres, afin, par exemple, de « psychanalyser » les rêves de certains patients et de les aider dans leurs traitements ou bien, pourquoi pas, d’enquêter via l’inconscient sur des cas qui, eux, sont bien réels. Mais il y a un hic (il y a toujours un hic !) : plusieurs modèles de DC Mini sont volés par Dieu sait qui et quelques perturbantes anomalies apparaissent peu à peu autour de « l’équipe » de personnages principaux, c’est à dire l’équipe responsable de son développement qui doit retrouver la trace des gadgets manquants. Bien vite, l’inconscient envahiront « l’espace narratologique » (waw !) du film, si bien que rêve et réalité deviendront parfois indissociables l’un de l’autre… Voilà donc pour la trame principale du film, pour ce qui est des détails, il va de soit que je vous laisserai je luxe de les voir par vous-mêmes, dans une salle de ciné chauffée ou bien dans votre canapé devant un bon (et illégal) DivX…

Autant le dire de suite, Paprika n’est pas vraiment l’un de ces animes qui en met techniquement plein la vue. Techniquement, donc, c’est juste « normal », on est loin d’un Ghost in the Shell Innocence, par exemple (bon Dieu, ce film m’ennuie rien que d’y repenser !), mais cela reste cohérent et, au final, j’en attends rarement plus. En fait, ce qui « choque » un peu au début, c’est cette habileté avec laquelle l’équipe du film parvient à contraster des personnages finalement assez classiques (je parle de graphisme uniquement, expressions des visages, attitudes corporelles, etc.) avec des décors ou des accessoires souvent extravagants et hauts en couleur (tout ce qui se rattache à l’esthétique du rêve, bien entendu). C’est un contraste qui mérite que l’on s’y habitue mais, une fois que c’est fait, on peut aisément se plonger dans la complexité de l’intrigue et se détacher de l’aspect purement esthétique du film.


Côté musique, brièvement, pas grand chose à constater, elle colle relativement bien à l’atmosphère du film (notamment le thème qui se rattache au rêve central du film, assez délirante mais très bien exécuté), même si le générique (de début, de milieu et de fin) peut paraître assez pénible, surtout aux décibels proposés par les salles de cinéma, puisqu’il s’agit d’une sorte de morceau J-Pop technoïsé mais finalement assez sympathique quand même…

Là où il faut s’accrocher, par contre, c’est au niveau de la trame scénaristique. Comme vous l’avez certainement déjà compris, celle-ci est d’autant plus embrouillée que se mêlent à la fois rêve et réalité, mais également parce que plusieurs intrigues personnelles viennent s’entrecroiser dans l’enquête principale ce qui, évidemment, n’arrange rien au niveau de la compréhension.
L’intrigue peut donc paraître confuse, voire obscure (d’autant plus que certaines scènes sont entrecoupées de petits effets de mise en abyme, voire même d’explications de théorie cinématographique, sans oublier les petits « auto clin d’oeil », vers la fin) mais à vrai dire, ce n’est pas vraiment ça l’important. L’important, dans Paprika c’est que tout coule naturellement, que la réalisation est impeccablement léchée et que le spectateur (c’est à dire moi) prend un réel plaisir à suivre les courses croisées des différents protagonistes du film : courses à la fois professionnelles (l’enquête) que personnelles (les relations qui se nouent entre les uns et les autres). Certaines scènes sont d’ailleurs tout simplement prodigieuses (je pense à cette scène en particulier où plusieurs personnages se poursuivent les uns les autres en passant de rêves en rêves, d’univers graphiques en univers graphiques).

On soulignera également l’obsession structurante de Satoshi Kon qui parcourt ce nouvel opus, c’est à dire la mince frontière entre fiction et réalité, idée déjà creusée (et bien creusée) dans des films comme Perfect Blue et, à en croire le résumé, Millenial Actress. Ici, Kon s’intérèsse surtout aux influences de la réalité sur le rêve et inversement : la conscience humaine étant perçue comme une sorte d’échange permanent entre conscient et inconscient. La réalité nourrit donc la fiction autant qu’elle s’inspire d’elle. Une vision profondément artistique, évidemment, pour un réalisateur qui a toujours insufflé dans ses œuvres l’image de personnages équilibristes toujours prêt à faire un faux pas qui les condamneraient à « tomber » dans la fiction mais sans pour autant leur refuser un retour ultérieur à la réalité.

En définitive Paprika c’est un un bon, voire un très bon film, sans doute le seul film d’animation japonais à être sorti en France cette année et qui vaille réellement le coup. Prévoyez tout de même certainement deux voire trois visionnages afin d’apprécier réellement toute la complexité du film. Il s’agit définitivement d’un film qui mérite à la fois une vision au cinéma et ensuite en DVD afin de parfaire sa première vision.

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